Philosophie du temps


Il a fallu que je grandisse
Pour comprendre les gens qui vieillissent
Mais reste le mystère de l’adage
Selon lequel la vieillesse est un naufrage
Dépend-elle vraiment de l’âge ?
On a connu les travailleurs d’antan
Regard vif et muscles de titan
A quatre-vingts ans ils remuent la terre
Sèment irriguent récoltent et espèrent
Que l’an prochain ils pourront mieux faire
On a connu des quadragénaires
Rides au front telles les craquelures de la terre
Teint pâle et au mieux jaune clair
Suffoquer en manquant d’eau et d’air
Mais la cigarette elle, elle se consume, et n’en a rien à faire
C’est bien triste de voir le monde tourner à l’envers
Le monde a bien changé, les gens aussi
Là où on se rencontre on se salut et on dit : Ah que le monde est p’tit !
Avec le temps, même l’ego surdimensionné devient « rikiki »
Hier il était général, sot, mais tout le monde le craignait
Aujourd’hui trépassé tout le monde l’a oublié
Qu’a t-il laissé ? Peu importe
La question reste juste posée
Hier encore la rose était bien rouge
Belle vigoureuse, en elle rien ne bouge
Offerte par une ou un fan
Drapée d’un beau cellophane
Le lendemain tout en elle fane
Elle finit comme détritus telle une peau de banane
Le temps se mesure en minutes ou en siècles, quelle différenciation ?
C’est juste une question d’échelle et de perception !
Entre demain et hier
« Aujourd’hui » n’est pas la frontière
Le temps tu l’as beau émietter
Il ne sera jamais poussière
Il est fluide comme l’eau
Mais s’écoule différemment
Selon que tu attendes un train ou le jour de ta libération
Le temps façonne les mémoires au grés des actes
Tu ne peux lui demander ni faveur ni un peu de tact
Ton portrait final sera le reflet exacte
Du profil de vie que tu as signé comme un pacte
Le temps peut être ton ami
Si tu l’affectionnes, si tu le nourris
Si tu le remplis d’oisiveté, il te détruit
Alors fais ton choix entre vivre et trimer
Ou faire la sieste et procrastiner

W.S. 15.05.23